28 avr. 2005

VERTIGE



Associée au décalage horaire, l'arrivée dans une grande ville asiatique provoque toujours les mêmes sensations de vertige : perte soudaine de repères, plongée dans un tourbillon de sensations inconnues, sentiment absolu de perdition, euphorie ennivrante d'un monde à découvrir, flottement de l'esprit dans un vagabondage vaporeux et, au final, déroute totale des sens, devenus jouets d'un chaos urbain subitement incompréhensible. L'atterrisage à Hong-Kong ne fait pas exception à la règle. Même si tout est bien indiqué en anglais, même si, grâce au plan de la ville, le chemin de l'hôtel n'a pas été difficile à trouver, même si, enfin, le modernisme ambiant rappelle un peu l'occident, les premiers pas dans cette mégapole où la démesure apparaît déjà comme la règle semblent plus fragiles qu'ailleurs, comme si la gravité alourdissait subitement vos mouvements.

Je loge au deuxième étage d'un "tout petit" immeuble qui en compte 23, assez vieux, au coeur de Kowloon, la partie la plus chinoise de la ville. C’est, paraît-il, l’un des quartiers avec la plus forte densité du monde. Cela s’explique par le manque d'espace, dont on prend rapidement ici la mesure, mais aussi par la présence de nombreux marchés traditionnels, chacun illustrant un thème : marché aux oiseaux (ou l’on vient promener l’animal dans sa cage), marché aux fleurs, aux poissons, aux «femmes» ( !), sans oublier le marché de nuit, tout près de l’hôtel, où j’ai été dîner hier soir dans une gargote de rue.

A Hong-Kong, les contraintes d’espace s’expérimentent partout. Le soir, dans ma chambre d’hôtel microscopique, j’occupe déjà la moitié de la surface de la "chambre" par le simple fait d’ouvrir ma valise.. Pour prendre une douche, il faut que je me glisse entre les toilettes et le lavabo, ce que je parviens à faire en me mettant de profil. Le sol de la "salle de bain" est humide et en voulant attraper le savon, je n’ai évité la chute qu’au prix d’un « attrapage » in extremis de la cloison (celle séparant la salle de bain de la chambre)... qui n a pas survécue. Désormais, je vis en "open space", avec l’illusion d’avoir gagné un peu d’espace. Dans mon cagibi, les tenants de l’hôtel ont tout de même réussi a entasser une télé (programme d’hier soir : "Santa Barbara" version époque des mings), une clim’ (que je ne sais pas faire marcher) et une bouilloire. Le soir, la proximité de la rue aidant (deux étages plus bas), mes boules quiès me sont bien utiles...

Aujourd’hui, seconde journée dans la ville et...second trek urbain au milieu des gratte-ciel. A peine 10 mn de ferry pour aller à Central, le haut lieu de la finance en asie. Le plus étonnant, ce ne sont pas ces dizaines d’immeubles au nombre d’étages à deux chiffres, minarets high-tech du modernisme débridé, mais ce qui se passe au pied de ces géants d’acier. Là, tout en bas existe une vie chinoise typique, grouillante, pleine d’energie, à quelques pas seulement du centre d’affaires. Les business men, portable collé a l’oreille, n’hésitent d’ailleurs pas à venir y manger. Quelques rues sont consacrées aux antiquaires et au vieilles boutiques de pharmacopée chinoise, lieux un peu hors du temps, avec des chinois sans age qui pèsent les ingrédients : poudre, herbes et autres plantes indescriptibles. On trouve bien sur aussi tout un tas de babioles, allant des fringues pas cher aux souvenirs pré-fabriqués de l’époque Mao. Pour circuler, on a le choix entre bus, tramways ou... escalator géant qui mène en quelques minutes aux quartiers plus chics, ce qui ici veut dire que les gratte ciel sont plus modernes (les autres sont délabrés et noircis par la pollution).

En gros, Honk-Kong est une sorte de Rubiskub géant. On se sent tout de suite écrasé dans ce magma de béton, de verre ou d’acier (selon l’age des gratte ciel), duquel émerge une incroyable énergie. Ici, s’arrêter, c est régresser. Si je stoppe brutalement pour prendre une photo, je suis immédiatement percuté par la personne juste derrière. Alors, pour me mettre au pas, je marche... Je courre même. J’adore cette sensation d’être pris dans le flot, submergé dans la foule... On perd un peu son identité, on retrouve aussi un peu de liberté. J'ai lu un jour ceci : "être libre, c'est être seul, dans une grande ville et avec de l’argent". C est mon cas ici, dans cet endroit a la fois fascinant et fatiguant, pris dans les rouages d un meccano humain incompréhensible. Le soir, atmosphère assez irréelle au milieu des néons scintillants, des vitrines illuminées ou des gratte-ciel multicolores. On se sent un peu pris dans un univers sensoriel, ou tout semble affoler les sens : la circulation démentielle, la moiteur pesante, le flot humain incessant, les feux rouges qui font bip bip, les cars qui frôlent les trottoirs, les musiques qui sortent des magasins, les messages craches par les hauts parleur, les idéogrammes géants des affiches publicitaires,...

Hier soir, dans l’un des seuls endroits tranquille de la ville, j’ai repris mes esprits en contemplant la vue sur la baie et la skyline éclairée de l’ile de HK. Fascinant rideau de lumière, devant lequel circulent toute sorte de bateau : des gros (paquebots, Tankers), des moyens (ferry, bateaux de pêche), des petits (barques, hors bord) et même des avec un dragon dessus. La fatigue de la journée aidant, on reste un peu hypnotisé devant ces ombres circulant dans tous les sens, face aux géants éclairés impassible qui semblent nous dire : "regarde, comme tu es petit ". Sensations de puissance et d’impuissance mélangées, étrange apaisement au milieu du chaos urbain, sensation d’envol intérieur couplée avec une impression d’écrasement... Voila Hong-Kong.javascript:void(0)
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Deux point noirs enfin : il ne fait pas beau du tout (brouillard, pluie), ce qui n est pas bon pour les photos, et, le soir venu, dans la solitude de mon confetti hôtelier, ma famille me manque. étrange sensation de se sentir soi même tout en étant déchiré. En nous rendant a nous même, le voyage semble génère autant de liberté intérieure qu’il nous confronte à une angoisse profonde, apportant autant de richesse que d’impuissance face a son propre dénuement...

Les voyages sont aussi faits...

Demain, visite de l'Ile de Lantau, la plus grande de l'archipel de HK.


Bon courage a tous....

Lionel



(Ambiance sonore :
"Walking the streets of HK" - P. Sneekes - www.soundtransit.nl)