5 mars 2004

KYOTO




Konbanwa (= "bonsoir")


Quant on évoque Kyoto, on se dit immédiatement : "Ouh là là, une ancienne capitale impériale, ça doit regorger de temples et de palais, on doit y respirer l’atmosphère du Japon ancestral, entendre le son des gongs sacrés, croiser des samouraïs dans la rue ou presque... Bref, on s’imagine une sorte de "Florence" version nippone, un musée à ciel ouvert de l’époque shogunale...


Raté... Comme sans doute toutes les grandes villes japonaises, Kyoto est une cité moderne, avec ses immeubles a l’esthétique douteuse, ses maisons entassées, ses usines crachant de la fumée, sa circulation bien réglée…N’oublions pas que nous sommes au Japon et qu’ici, on ne peut se permettre le luxe de s’encombrer de détails esthétiques qui, chez nous, seraient incontournables (comme ne pas faire passer une route surélevée sous les fenêtres de particuliers, par exemple...). Comme partout sur cette terre de séismes et de volcans, comme à chaque fois dans ce pays qui, sans cesse, se reconstruit, il faut faire pratique, modernes et fonctionnel... D’où, là encore, une ville sans plan d’urbanisation cohérent, avec des maisons "tombées du ciel" comme si une main géante les avait saupoudrées parfaitement au hasard sur le tissu urbain, des usines polluantes en périphérie, des néons multicolores, une gare au design high-tech, des feux rouges qui font de la musique quand on a le droit de traverser, etc... Bref, toute la panoplie d’une mégalopole vaguement déshumanisante...


Alors, décevant Kyoto ? Pas si l’ on se promène dans certains quartiers qui ont réussis a converser leur maisons en bois traditionnelles, pas si l’on s attarde dans les innombrables temples et sanctuaires qui ont été merveilleusement conservés ou restaurés, pas si l’on se promène dans les jardins japonais de différents styles qui évoquent tous une communion avec la nature, pas si l’on se balade dans le marché alimentaire de la ville, véritable plaisir des yeux autant que du palais (au Japon, on peut goûter avant acheter.. J’ai déjà presque dîné un soir comme ça...). Bref, comme dans beaucoup d’endroit, la ville ne se révèle pas du premier abord.
Il faut d’abord aller flâner le soir dans certaines artères du vieux quartier de Gion, où, au détour d’une rue pavée, on peut apercevoir une Geisha sortant furtivement d’une maison de thé (appelée Ochaya) pour immédiatement rentrer dans une autre. On parle beaucoup des Geishas mais en croiser une, dans son habit traditionnel, la figure maquillée de blanc, ça vous donne soudainement l’impression de remonter le temps. Autre spectacle intéressant : le balai de limousines avec chauffeurs devant ces fameuses "maisons à Geisha", grosses cylindrées aux vitres teintées transportant dans l’obscurité les hommes d’affaires ou autres haut fonctionnaires venant se divertir a la japonaise...


Il faut ensuite aller voir les temples, jusqu'à l’overdose s il le faut. La plupart sont en bois et c’est un vrai régal d’entendre les parquets craquer sous ses pieds, de croiser un moine au détour d’un pilier, d’entendre les gongs de la cloche, de marcher sous les Torii, d’observer l’expression des statues... En voyage, j’apprécie surtout la vie urbaine, l’animation citadine, la surprise de ce que l’on peut trouver au coin de la rue. Mais certains temples ici ont une telle atmosphère (d’autres sont des usines a touristes) qu on pourrait y rester des heures. Tout semble y communier. D’autant plus que dans presque chaque temple se trouve un jardin japonais. Il y a le jardin japonais classique, pas besoin de faire un dessin, mais un autre type, très étrange, de jardin japonais dit "sec", parce que composé uniquement de gravier et de cailloux. Seule une longue méditation permettrait sans doute de tenter de dégager le sens de ces jardins Zen, mais tout semble avoir été pensé: la position des pierres, l’ondulation donnée au gravier, l’orientation de l’ensemble, les ombres et la lumière des arbres environnants…


Voila Kyoto, énorme mégapole (mais qui ferait presque ville de province par rapport a Tokyo), qui a su conserver ses fragments d’histoire. La frénésie y est moins forte, le côté "virtuel" moins accentué. On est fier de ses traditions, ici, ça se sent. Et on essaye tant bien que mal de ne pas trop les sacrifier sur l’autel d un modernisme débridé.



Encore un mot sur les japonais, qui sont vraiment adorables. Aujourd’hui, je visitais Nara, une petite ville de temples a une heure en train de Kyoto (endroit magnifique, avec des centaines de daims en liberté dans toutes la ville...l’un d eux m a même avalé mon prospectus de l’office du tourisme.). Et bien, en demandant mon chemin à une vieille japonaise qui faisait du sport, et devant la difficulté à communiquer (pas facile de comprendre "première à droite, troisième à gauche" en japonais), elle n’a pas hésité a me conduire a l’endroit que je cherchais, à vingt minutes de là. Bien sur, elle en a profité pour faire son footing et il a un peu fallu que je courre derrière elle mais bon, ce n’était pas son chemin et elle a fait un gros détour.


Demain, dernière promenade dans le centre de Kyoto avant de partir pour Hiroshima.
Merci a ceux qui m’ont écris...Ca fait plaisir


Sanyonara a tous et bon courage.


Lionel



(Musique : "Alone in Kyoto" - Air - Lost in Translation)