3 mars 2004

RYOKAN




Sur le papier, ça s’annonçait grandiose : un lac aux eaux bleues claires, dans lesquelles se reflètent le sommet enneigé du mont Fuji, des sources d’eau chaudes naturelles en pleine montagne, un paysage riche en végétation verdoyante (due aux sols volcaniques), des geysers sortant des parois montagneuses, etc, etc...
Sauf que...Sauf que... le Japon possède un climat étrange et alors même qu il faisait un temps « marseillais » a Tokyo, le climat de Hakone (le nom du site) était digne d’un hiver parisien. Froid, neige mais surtout brouillard, une invraisemblable purée de coton à ne pas voir son voisin de palier (et dieu sait si, au Japon, l’habitat est extrêmement resserré). Résultat : pas de source d’eau chaude, pas de mont Fuji (heureusement déjà aperçu depuis Tokyo) et une nuit à passer dans cet endroit où tout tourne autour de la montagne sacrée (en dehors d un invraisemblable "Musée du Petit Prince", sorte de Disneyland consacré a Saint-Exupery et à une vision très « carte postale » de la France).


Heureusement, l’hôtel choisi était une sorte d’incarnation de la vie japonaise et ce qui devait être un court séjour en pleine nature s’est transforme en une délicieuse initiation au "Japonese way of life", déjà bien entamée a Tokyo. C’est donc l’occasion de parler ici de la vie en Ryokan (= hôtel japonais traditionnel), car là semble résider le raffinement extrême de la civilisation nipponne.


Entrer dans un Ryokan, c’est d abord se soumettre a un subtil jeu de chaussures : on troque les siennes a l’entrée contre des savates, qui permettent de glisser sur la moquette comme sur un coussin d’air... Savates que l’on retire une fois arrive devant la porte coulissante de sa chambre, ou l’on entre en chaussettes. On les remet si l’on veut en sortir et, arrivé aux toilettes (par exemple), il faut de nouveau les retirer pour en enfiler d’autres spécialement dédiées a cette pièce. Pas de verrou, les savates demeurées à l’extérieur signalent juste le caractère occupé de l’endroit. Au début, tout ce rituel fait bizarre, mais cela explique peut être la propreté impeccable de chaque hôtel (en fait des pensions familiales) où je suis passé, et ce alors même que je n ai aperçu ni employé de chambre, ni femme de ménage...


Le bain, ensuite, est aussi une institution par ici. Alors que pour nous, il est souvent utilitaire (on se lave et on passe a autre chose), au Japon, c’est un véritable rite, avec un cérémonial précis. On passe d’abord dans une première pièce pour enlever son Yukata (peignoir de coton) puis on franchit la porte coulissante vers la salle de bain, avec d’un côté la douche et tout ce qu il faut pour se laver, de l’ autre un bassin pouvant contenir aux moins 2 personnes, parfois 4. Le but est de rentrer dans le bassin une fois propre, c’est a dire lavé et rincé. Quand on y pense, c’est on ne peut plus logique. Du coup, la même eau (propre, donc) sert pour tout le monde. Une eau maintenue a une température de... 45 voir 50 degrés. Là réside le véritable plaisir de ce bain, peut être les plus relaxant du monde. Evidemment, mieux vaut les prendre le soir car après, on ne sent plus ses membres et on s affale sur son futon. Il parait que dans les grandes entreprises japonaises a lieu deux ou trois fois par an un bain collectif des cadres masculins de la direction. Sans doute pour faire bouillonner les esprits...Ca renforce la cohésion et l’esprit de Groupe. Bien évidemment, la soirée se termine aussi en beuverie. C est sans doute pour ça que j ai vu des hommes d’affaires un peu éméchés un matin très tôt dans le métro de Tokyo...


Bref, tout ça pour dire qu’à Hakone, il y a en plus le bain le plus exquis qu on puisse trouver. L’hôtel possède un bassin extérieur en pierre sculptée (pouvant contenir au moins 4 personnes), qu’on peut utiliser a usage privé. Comme il faisait zéro degré, il n y avait pas beaucoup de volontaires parmi les clients de l’hôtel. C’est vraiment une sensation exceptionnelle de prendre son bain seul dans un grand bassin entouré de neige recouvrant un jardin japonais. Le pire, c’est qu on n a même pas froid en sortant, le corps fumant encore des chaleurs du bain bénéficie d’ un laps de temps ou on pourrait presque se promener tranquillement dans le jardin (ce que j ai fait). Ensuite, l’idéal est d aller s’endormir sur le futon de sa chambre dont le seul élément "décoratif" est un tatami.


J en oublierais presque les repas, qui apportent eux aussi leur lot de sensation nouvelles. Chaque restaurant de quartier a SA spécialité, que le chef (en kimono avec bandeau sur le front) vient vous conseiller a votre table (quelques petits problèmes de traduction mais on fait confiance au patron, et j ai appris la a dire "que nous recommandez vous?" en japonais). Pour l’instant, j'ai gouté aux Tenpura (poisson et légume frit), aux Yakitori (brochettes de viande grillées) et évidemment aux Sushis, plus a plein d’autres choses que je ne saurais même pas décrire mais qui sont un régal. On mange pour pas trop cher ici, environ 10 a 12 euros pour un bon repas copieux dans un restaurant de quartier, le double pour un Grand repas (assis par terre avec musique japonaise traditionnelle style "pub Obao", décor subtil et vue sur un jardin japonais) et 4 a 5 euros a peine dans un bar a Sushis, avec les plats qui tournent sur un rail autour duquel se servent les clients. On bois surtout du The vert, a volonté et gratuit, et il n est pas impoli d’aspirer les nouilles, par exemples (toute mon éducation est a revoir ici..)...C est même recommandé car considère comme un compliment sur la cuisine. En plus, il y a tout un tas de machins, du style "tapas nippons", qui sont apportés avec les plats. Y en a de toutes les couleurs et je peux juste affirmer que ça vient de la mer...


Sinon, les japonais font aussi beaucoup de choses comme nous : ils vont faire leurs courses, promènent leurs enfants, vont au cinéma, sortent en ville, prennent le métro pour aller au bureau (grosse vie de banlieue), partent en vacance, vont chez le coiffeur, emmènent leur conjoint au restaurant, utilisent beaucoup leur portable...etc... Bref, exactement comme nous sauf que...ce sont des japonais, et ça change tout.


Je suis arrive a Kyoto hier soir par le Shinkansen (Shinkansen = subtil mélange entre la vitesse du TGV et la fréquence du RER), ou je reste pour quatre jours...
Suite au prochain épisode.


Sayonara


Lionel